mercredi 22 avril 2015

SOEUR OYO DE MONIQUE MBEKA PHOBA

Congo Belge, années 50 : bien­ve­nue dans le monde de Godelive, fillette de 7 ans envoyée loin de sa famille pour rece­voir l’ensei­gne­ment catho­li­que des sœurs belges de la Congrégation du Sacré Cœur, seul établissement du pays à pro­mou­voir la langue fran­çaise ! Gros plan sur une paire d’yeux effa­rés dans une bouille ronde et une paire de ciseaux qui dévaste une cri­nière de sau­va­geonne : il s’agit de mater la nature rebelle. Première leçon de lec­ture : une très jeune reli­gieuse vêtue de blanc, Bible en mains, accent fla­mand à couper au cou­teau, fait lire les élèves et Godelive, para­ly­sée de honte, sèche sous les moque­ries d’une grande, Albertine, la meneuse qui, char­gée de l’aider pen­dant la récréa­tion, en fera son souf­fre-dou­leur atti­tré. Un film en noir et blanc. Ombre et lumière : la fillette tâtonne telle une aveu­gle dans ce monde cruel, se blesse à chaque décou­verte, et s’accro­che à cette reli­gieuse lumi­neuse, Soeur oyo (en Lingala, Soeur oyo, se tra­duit par : Cette sœur là ) cor­nette, répu­ta­tion et inten­tions irré­pro­cha­bles... En danger l’une et l’autre fina­le­ment. Un film en cou­leurs : luxu­riance équatoriale, explo­sion chro­ma­ti­que des rêves, en oppo­si­tion à celles du jardin dompté par la civi­li­sa­tion colo­niale dans lequel pour­tant, rôde un ser­pent qui se joue des fron­tiè­res. A la tête de ce col­lège expé­ri­men­tal, des­tiné à former les filles et futu­res épouses des « évolués », ainsi bap­ti­sés par le régime colo­nial, règne la mère supé­rieure, qui, sous des abords dou­ce­reux, tyran­nise comme il se doit la si blonde, si jeune, si belge et si idéa­liste Astrid, reli­gieuse et pro­fes­seur de la Congrégation. Aux faits et gestes des adul­tes qui pren­nent des pro­por­tions d’autant plus gran­des qu’elle n’a pas les règles du jeu, à l’injus­tice dont elle est vic­time, Godelive oppose une pas­si­vité de sur­face, s’évade, retrouve sa grand mère dans ses rêves, entre­voit une vie peu­plée d’esprits tuté­lai­res en même temps qu’elle s’atta­che aux pas de la sœur blan­che et décou­vre ses secrets. Un jour, l’évêque s’annonce. Branle bas de combat dans ce petit monde. Les filles appren­nent un can­ti­que, un jar­di­nier chargé des fleurs sort de l’ombre ...Tout va se détra­quer, le ser­pent inves­tit le jardin, le vernis craque, la vie marque des points, véri­tés et fan­tas­mes en fondu enchaîné, ini­ma­gi­na­ble rap­pro­che­ment des pul­sions... Victime d’une der­nière cruauté Godelive ne chan­tera pas le Canticorum Jubilo, mais elle a appris à retrou­ver le chemin des siens, celui de la vie plus forte que les règles, celui de la liberté.. Monique Mbeka Phoba, réa­li­sa­trice belge d’ori­gine congo­laise, a consa­cré sa car­rière à la créa­tion de docu­men­tai­res. Pour sa pre­mière fic­tion, elle adapte sa propre nou­velle qui retrace les années de sa mère dans le col­lège de Mbanza Mboma près de Léopoldville. Le déclic ? Le film de Fred Zinneman, Au risque de se perdre(1959), avec une Audrey Hepburn en reli­gieuse, aux prises avec ses doutes dans un hôpi­tal congo­lais...Comment nier le cou­si­nage entre la beauté de l’actrice hol­ly­woo­dienne et celle de Soeur oyo ? (Laura Verlinden) Une superbe image capte l’ambi­va­lence des uni­vers, des jeunes actri­ces excel­lem­ment diri­gées, et un art de l’ellipse maî­trisé pla­cent d’emblée ce court de 23 minu­tes et 45 secondes dans la cour des grands . On a beau pré­fé­rer la sug­ges­tion à l’expli­ca­tion de texte, on peut avoir des situa­tions à déve­lop­per, des per­son­na­ges à accom­pa­gner, des angles à explo­rer... C’est ainsi que Monique Mbeka Phoba après avoir affûté ses pin­ceaux avec cette pre­mière fic­tion, en pré­pare main­te­nant la ver­sion longue . A bien­tôt donc ! Michèle Solle Crédit photo : Monique Mbeka Phoba (DR) Source: http://www.clapnoir.org/spip.php?article1095

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