jeudi 16 février 2012

La justice belge refuse d'interdire "Tintin au Congo"


La justice belge a refusé, vendredi 10 février, d'interdire la commercialisation de la bande dessinée Tintin au Congo, estimant non fondée l'action intentée par un ressortissant congolais qui jugeait l'œuvre d'Hergé raciste.

"La demande a été jugée non fondée, le tribunal de première instance de Bruxelles ayant estimé que la loi belge contre le racisme ne peut s'appliquer que s'il y a une intention discriminatoire", a déclaré  Me Ahmed L'Hedim, l'avocat de Bienvenu Mbutu Mondondo. Selon le tribunal, "vu le contexte de l'époque, Hergé ne pouvait pas être animé d'une telle volonté", a ajouté M. L'Hedim.
"APOLOGIE DE LA COLONISATION"
Bienvenu Mbutu Mondondo, un ressortissant de la République démocratique du Congo, réclamait depuis quatre ans l'interdiction de la vente de l'album, ou à défaut l'imposition d'un bandeau d'avertissement ou d'une préface expliquant le contexte de l'époque, comme c'est le cas pour l'édition anglaise.
Lors des audiences en 2011, M. Mbutu Mondodo, qui vit en Belgique, avait estimé que Tintin au Congo était une "BD raciste, qui fait l'apologie de la colonisation et de la supériorité de la race blanche sur la race noire". Ses deux demandes "ont été déboutées", a précisé un autre avocat de M. Mbutu Mondondo, Alain Amici, qui a précisé que son client "interjetterait appel de cette décision" dès lundi devant la cour d'appel.
"HOMME NOIR PARESSEUX, DOCILE OU IDIOT"
Il était soutenu dans sa démarche qui l'opposait à l'éditeur Casterman et à Moulinsart, la société ayant les droits commerciaux de l'œuvre d'Hergé autres que les droits d'édition, par le Conseil représentatif des associations noires (CRAN).
"Mettez-vous à la place d'une fillette noire de 7 ans, qui découvre Tintin au Congoavec ses camarades de classe...", ont lancé ses avocats, en dénonçant la représentation dans l'album d'un "homme noir paresseux, docile ou idiot" et"incapable de s'exprimer dans un français correct".
"UNE ŒUVRE DANS SON CONTEXTE"
Me Alain Berenboom, représentant de Casterman et de Moulinsart, qui avait dénoncé à l'audience une atteinte à la liberté de la presse, a fait part vendredi de sa"grande satisfaction""C'est une décision saine et pleine de bon sens, selon laquelle il faut prendre une œuvre dans son contexte et la comparer avec les informations et les clichés de son époque", a-t-il déclaré.
En 1929, lorsqu'il imagina les premières aventures de Tintin, d'abord en Union soviétique puis au Congo belge, Georges Rémi, dit Hergé, était un jeune homme de 23 ans "qui n'avait jamais quitté Bruxelles", selon l'avocat. Hergé ne connaît alors"du Congo que les articles" publiés dans la presse "bourgeoise et conservatrice" et les récits de missionnaires, avait plaidé devant le tribunal Me Berenboom en octobre.
"J'ÉTAIS NOURRI DE PRÉJUGÉS"
"C'est l'époque de la Revue nègre de Joséphine Baker, de l'exposition coloniale de Paris. Hergé est dans l'air du temps, ce n'est pas du racisme mais du paternalisme gentil", selon lui.
Selon le site d'actualités culturelles Mondomix, qui consacre un articlé fouillé intitulé"Tintin au Congo ou la mission civilisatrice de la colonisation", Hergé déclarera un jour à propos de l'album : "Pour le Congo tout comme pour Tintin au pays des Soviets, il se fait que j'étais nourri des préjugés du milieu dans lequel je vivais… C'était en 1930. Je ne connaissais de ce pays que ce que les gens en racontaient à l'époque : 'Les nègres sont de grands enfants, heureusement que nous sommes là !', etc. Et je les ai dessinés, ces Africains, d'après ces critères-là, dans le pur esprit paternaliste qui était celui de l'époque en Belgique." Tintin au Congo reste aujourd'hui l'un des albums de la série les plus vendus.
Le Monde.fr avec AFP | 10.02.12 | 18h20   

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